15 juin 1919.

   Ma douce, mon inestimable sœur !

   Par Sa grâce, ma barine, il y a de l'espoir ! Voilà déjà plus d'une semaine que ces braves du Caucase arrivent quotidiennement par centaines – si ce n'est pas parfois par milliers – à notre quartier général pour jurer fidélité à notre inappréciable général, amenant avec eux bon nombre de canons – assez, je le crois, pour amener l'intégralité de ces nihilistes à constater l'ampleur de leur erreur devant Lui ! 
   Je sais, ma barine, que je ne vous écris pas autant que vous le voudriez ; au reste, que je l'aimerais, moi aussi ! mais c'est que, mon ange, il y a tant à faire pour recouvrer notre Sainte Rus' ! Quelle souffrance, mon petit sucre, quelle souffrance que de sentir tout mon être se tordre d’impatience à l’idée de vous écrire, que d’éprouver comme une multitude de petits Longin me pourfendre la poitrine à l’idée que vous ne commenciez à vous inquiéter pour moi et à guetter de mes nouvelles toute la journée durant, mais l'ampleur de notre entreprise ne me laisse que trop peu de temps pour matérialiser sous ma plume ces pensées qui, relativement à vous, ne me quittent jamais un seul instant.
   Comment se porte notre petit frère ? M'en veut-il toujours autant d'avoir refusé sa présence à mes côtés ? Et ses crises, en fait-il toujours autant ? Est-ce qu'Eugène Stépanovitch vous traite bien ? C'est un bonne âme, n'ayez crainte de vous appuyer un peu sur lui. J'ai grand espoir que tout cela se finisse très bien pour nous, ma sœur. Bientôt, nous nous retrouverons et reprendrons nos marches nocturnes le long de la Neva, sans à craindre pour notre autel et notre bon tsar.
   Votre éternel serviteur

   Ivan Romanovitch.